ContrĂŽle de l’alliaire officinale au ROM de Philipsburg

Description de l’alliaire officinale
L’alliaire officinale, aussi appelĂ©e herbe Ă  ail ou Garlic Mustard, a Ă©tĂ© introduite en AmĂ©rique du Nord Ă  la fin des annĂ©es 1800 pour ses propriĂ©tĂ©s mĂ©dicinales et culinaires. L’alliaire officinale est une plante bisannuelle, c’est-Ă -dire qu’elle complĂšte son cycle en deux ans. La premiĂšre annĂ©e, ses feuilles forment une rosette au sol et restent vertes tout l’hiver. La deuxiĂšme annĂ©e, la plante pousse en hauteur et peut atteindre plus d’un mĂštre. En mai, les petites fleurs blanches apparaissent au bout de la tige et deviennent, en juin, les gousses qui contiennent les graines. Un seul plant d’alliaire peut produire plus de 900 graines ! Le plant meurt au mois d’aoĂ»t, aprĂšs la fructification.  TĂ©lĂ©charger la fiche sur l’alliaire du gouvernement de l’Ontario (en français).

Une menace dans nos forĂȘts
Contrairement Ă  plusieurs plantes exotiques envahissantes, l’alliaire tolĂšre l’ombre et peut ainsi coloniser les milieux forestiers, notamment les Ă©rabliĂšres matures. De plus, ses racines libĂšrent des toxines qui affectent les mycorhizes du sol, ces champignons microscopiques qui favorisent la croissance de nos espĂšces indigĂšnes. L’alliaire peut donc former rapidement des colonies denses qui induisent des changements importants dans la composition vĂ©gĂ©tale des forĂȘts envahies. Elle menace l’intĂ©gritĂ© de certaines des plus belles forĂȘts du sud du QuĂ©bec

Parterre d’alliaire au ROM

Un site naturel exceptionnel
SituĂ© dans la municipalitĂ© de Saint-Armand, tout prĂšs de la frontiĂšre amĂ©ricaine, le Refuge d’oiseaux migrateurs de Philipsburg est un site exceptionnel d’une grande biodiversitĂ©, tant floristique que faunique. Malheureusement, les espĂšces vĂ©gĂ©tales font face Ă  plusieurs menaces, notamment un broutage intensif par le cerf de Virginie et l’expansion de plantes exotiques envahissantes. L’invasion de l’alliaire dans l’érabliĂšre mature, un habitat pour plusieurs plantes en pĂ©ril, est particuliĂšrement prĂ©occupante.

PrĂ©sente depuis plusieurs annĂ©es au Refuge, l’alliaire y est bien Ă©tablie. On observe un foyer d’infestation assez dense de prĂšs de 3 hectares Ă  l’entrĂ©e du site. Des plants ont Ă©galement Ă©tĂ© rĂ©pertoriĂ©s de façon discontinue sur une superficie de 57 ha! Compte tenu de la valeur Ă©cologique exceptionnelle de ce site, CIME a initiĂ© des travaux de contrĂŽle dĂšs 2015. Toutefois, devant l’ampleur de la tĂąche, CIME a dĂ©posĂ© une demande au Programme pour la lutte contre les plantes exotiques envahissantes de la Fondation de la faune du QuĂ©bec, afin de mettre en place un projet plus structurĂ©. Le financement octroyĂ© couvre deux annĂ©es de rĂ©colte intensive (2019 et 2020).

Un projet à deux volets : la récolte
La façon la plus simple et la plus efficace de contrĂŽler l’alliaire officinale est de l’arracher. Comme elle a un cycle de deux ans, on se concentre sur les plants de 2e annĂ©e qui produisent les graines. On rĂ©colte les tiges avant que les siliques (fruits) n’expulsent leurs graines, idĂ©alement entre la mi-mai et la fin juin. Les plants sont arrachĂ©s avec la racine et mis dans des sacs poubelles. Afin de protĂ©ger les habitats sensibles, des secteurs d’intervention prioritaires ont Ă©tĂ© Ă©tablis : une zone tampon Ă  proximitĂ© des espĂšces en pĂ©ril et une bande de cinq mĂštres en bordure des sentiers afin d’éviter la propagation par les randonneurs. Quant aux zones d’infestation denses, celles situĂ©es prĂšs des populations d’espĂšces en pĂ©ril sont traitĂ©es en prioritĂ©. En 2019, l’équipe de CIME, appuyĂ©e ponctuellement par des bĂ©nĂ©voles, a rĂ©ussi Ă  parcourir l’ensemble des secteurs, incluant la zone d’infestation trĂšs dense Ă  l’entrĂ©e des sentiers, et Ă  rĂ©colter 466 kg d’alliaire!
Si vous voulez nous aider à protéger ce site, contactez Valérie Deschesnes à v.deschesnes@cimehautrichelieu.qc.ca

Un projet à deux volets : la recherche scientifique
Dans les secteurs oĂč la densitĂ© d’alliaire est Ă©levĂ©e, l’arrachage laisse un sol dĂ©nudĂ© et une banque de graines trĂšs importante. Le risque de rĂ©-invasion est donc trĂšs Ă©levĂ©. Mme AndrĂ©e Nault, chercheure au BiodĂŽme de MontrĂ©al, a mis en place un protocole expĂ©rimental afin d’évaluer si la transplantation de plantes indigĂšnes permettrait de densifier la couverture vĂ©gĂ©tale, devenue trĂšs faible aprĂšs l’arrachage, et ainsi concurrencer la repousse d’alliaire. Des placettes tĂ©moins et des placettes vĂ©gĂ©talisĂ©es avec des plantes prĂ©levĂ©es Ă  proximitĂ© ont Ă©tĂ© installĂ©es. Ces placettes seront suivies durant deux ans (2019 et 2020).
Lien vers le blogue du BiodĂŽme

Le projet a Ă©galement suscitĂ© l’intĂ©rĂȘt d’un chercheur de l’Institut de recherche en biologie vĂ©gĂ©tale (IRBV), monsieur Pier-Luc Chagnon. Son champ d’expertise touche notamment les interactions entre les plantes et les microorganismes, ainsi que leurs impacts sur les Ă©cosystĂšmes terrestres. M. Chagnon et son Ă©quipe ont fait des prĂ©lĂšvements de sol dans chacune des parcelles expĂ©rimentales afin de mesurer la quantitĂ© de mycorhizes en fonction de la densitĂ© d’alliaire. D’autres relevĂ©s seront effectuĂ©s en 2020. Les rĂ©sultats permettront de documenter l’impact de l’alliaire sur les communautĂ©s de champignons mycorhiziens
 et vice versa.